Le travail
Quelles que soient vos connaissances techniques, vous travaillerez bien souvent les mêmes choses, mais vous apporterez à chaque fois plus de compréhension, de connaissance et de finesse à votre façon de faire. J’ai volontairement mis « compréhension » avant « connaissance », car il est important de comprendre que les actions que vous mènerez vont engendrer tel ou tel résultat plutôt que de subir un son et un phrasé sans en maîtriser l’origine.
Prenez le temps de décortiquer le texte, le geste et le résultat. Il n’y a aucune place pour le hasard, pas plus que pour l’automatisation d’un geste qui techniquement ne serait pas assimilé. Il est inutile de quantifier la durée du travail quotidien, il suffit d’être régulier et dans un état d’esprit propice à l’étude : vous gagnerez évidemment en efficacité si vous êtes isolé de toute sollicitation (écrans – téléphone – famille).
La compréhension.
Il est primordial de s’assurer de la bonne compréhension de l’action à exécuter, mais aussi de la façon dont elle est écrite. C’est d’ailleurs par cette reconnaissance visuelle du trait à exécuter qu’il faut commencer, un déchiffrage énoncé à voix haute et articulée va fixer en vous les notes et tempos à jouer, se servir de la voix donnera l’espace-temps que votre archet reproduira, mais uniquement si vous le faites à voix haute. Si l’écriture, que ce soit des notes ou du rythme, suscite un doute ou une incertitude, vous ne pourrez pas mémoriser les actions qui vous permettront d’exécuter votre trait, vous serez toujours accroché aux quelques notes ou coups d’archet incertains.
Mémorisation du geste, mécanisme et connaissance.
La mémorisation mécanique va à l’encontre de l’effet escompté, car autant vous pouvez mécaniser une action, dès lors que le texte changera de note, de doigt ou de corde, vous en perdrez tout le bénéfice. L’exemple le plus fréquent est le démanché sur un doigt au lieu d’être sur l’ensemble de la main. Le geste doit être réfléchi en amont, anticipé, formé mais surtout pas subi. Dans le cas contraire, notre subconscient enregistrerait cette information, la rendant difficile à corriger par la suite.
Exemples :
Gamme de Sol Majeur 1 octave :
L’élève va bien retenir les doigtés 0, 1, 3-4 / 0, 1, 3-4, mais absolument pas la structure (1 ton, 1 ton, ½ ton 1 ton, 1 ton, 1 ton, ½ ton). Ce qui donnera en Do Majeur à la deuxième octave de la 1ere position, un immanquable Fa# 3eme doigt.
Dans ce cas précis, le professeur devra identifier si c’est une lacune en solfège donc un manquement dans l’application d’une règle. Cette gamme fut-elle exécutée d’après la lecture d’une partition ou de mémoire ? Ce qui pourrait donner des indications précieuses quant aux connaissances de l’élève. La réflexion en amont sur l’action à effectuer s’est-elle faite par automatisme ou après réflexion ?
- Déplacement :
Sur cet exercice l’auteur (L.R Feuillard) demande de démancher entre la première et quatrième position. Le cas le plus fréquent, lors de ce déplacement vers le Mi en quatrième position, est que le premier doigt focalise toute l’attention de l’élève qui a pour seul objectif de mettre en place ce premier doigt. On peut dire lors de cet exercice que les autres doigts ne sont, bien souvent, pas au-dessus de la corde avec les bons écarts, le pouce n’est pas non plus considéré dans ce déplacement, tout cela est la faute entre autres d’une posture inadaptée mais surtout du fait que l’exercice n’a pas été suffisamment expliqué et démontré. Ce vaste sujet pourrait être écrit selon différents critères, l’élève a-t-il eu suffisamment de cours de solfège et de chant avant de choisir un instrument, ou, dans les cas qui me concernent plus particulièrement, comment amener l’élève à réfléchir en amont de son action, en ayant son instrument comme seul moyen de réflexion. Or, l’élève veut absolument « jouer », privilégiant « l’air » à la technique, manière qui va immanquablement conduire à un échec musical pour autant qu’il puisse remettre l’action en cause. Je ne peux pas décrire plus à fond de méthode de travail devant l’immense diversité des profils à qui j’enseigne, et auxquels il me faut m’adapter, néanmoins, il y a des constantes qui semblent fonctionner :
Savoir démonter un trait ou une mélodie afin d’en extraire l’harmonie, faire le lien avec la tonalité et les exercices (gammes, tierces etc.) qui lui sont liés. Par exemple, sur « mon ami Pierrot » mélodie somme toute basique, il devient instantanément possible, une fois les écarts de notes compris, de la transcrire dans d’autres tonalités sans effort.
Savoir comprendre pourquoi les coups d’archets vous ramènent immanquablement au talon, l’influence du type de mesure etc.
Lire et exécuter une partition à l’envers rend la lecture rapide, identifiant les écarts entre les notes au lieu du nom des notes, et d’instinct rend la position utilisée plus logique et compréhensible.
-Pour exemple :
(Hindemith – l’Andante du Duo Basson / Violoncelle)
Dans ce duo, le violoncelle est sur la portée inférieure, la difficulté de l’élève s’est cristallisée sur les mesures 4 à 7. Le déchiffrage des notes est bon, le rythme est compris, l’attention commence à être attirée par Mib - Fab puis Fa - Solb, le doigté à été noté, puis effacé. Le déchiffrage a repris du Mib noire de la 3ème mesure en raisonnant écarts. Mais impossible de faire passer ces mesures au tempo. L’élève était incapable de me dire où était son archet sur Mib - Fab, encore moins de me justifier d’être en poussant sur le Mib (souvenez-vous des premiers cours, temps fort je tire, temps faible ou levé, je pousse). En enlevant toutes les liaisons le tempo fut mis en place, le doigté validé, la pulsation acquise, le coup d’archet put être mis en place, rien qu’en compréhension. Le son fut instantanément meilleur signe d’aisance acquise.
La méthode de travail d’un amateur n’est foncièrement pas différente de celle d’un professionnel, l’objectif est connu, la concentration aussi intense, seule la compréhension, moins certaine chez l’étudiant, entraine une fatigue aussi bien physique que mentale le faisant douter.